DHA, Bd. 4, S.         
 
  
   I
  

1–4 Ce fut dans le triste mois de novembre – quand les jours s'assom-
brissent, quand le vent effeuille les arbres, que je partis pour
l'Allemagne.
  
5–8 Et lorsque j'arrivai à la frontière, je sentis dans ma poitrine
s'accélérer le battement de mon cœur; je crois même que mes
yeux commençaient à s'humecter.
  
9–12 Et lorsque j'entendis parler la langue allemande, je ressentis
une étrange émotion. C'était tout simplement comme si mon
cœur s'était mis à [saigner] de charmante façon.
  
13–16 Une petite fille chantait sur une harpe; elle chantait avec une
voix fausse et un sentiment vrai; mais cependant la musique []
m'émut.
  
17–20 Elle chantait l'amour et les peines d'amour, l'abnégation et le
bonheur de se revoir là-haut dans un monde meilleur, où toute
douleur s'évanouit.
  
21–24 Elle chantait cette terrestre vallée de larmes, nos joies qui
s'écoulent dans le néant [comme un torrent], et cette patrie post-
hume où l'âme [nage] transfigurée au milieu de délices éternelles.
  
25–28 Elle chantait la vieille chanson des renoncements, [ce dodo des
cieux avec lequel on endort], quand il pleure, le peuple, ce grand
mioche.
  
29–32 Je connais l'air, je connais la chanson, et j'en connais aussi
messieurs les auteurs. Je sais qu'ils boivent en secret le vin, et
qu'en public ils prêchent l'eau.
  
33–36 O mes amis! je veux vous composer une chanson nouvelle, une
chanson meilleure; nous voulons sur la terre établir le royaume
des cieux.
  
37–40 Nous voulons être heureux ici-bas, et ne plus [être des gueux];
le ventre paresseux ne doit plus [dévorer] ce qu'ont gagné les
mains laborieuses.

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